Partageons plus qu’un concert, dans les coulisses de la Philharmonie des Deux Mondes

Un filet de voix cristallin s’échappe d’une loge et vient se heurter aux épais murs de béton du Théâtre de Saint-Nazaire. L’entrée des artistes voit défiler un à un les membres de l’orchestre munis d’imposantes valises noires. Dans le dédale des coulisses, le son croissant des instruments que l’on accorde indique que la répétition approche.

Sur scène, chacun prend place dans une ambiance studieuse et détendue. Le moment est important mais il semble habituel. Les 40 musiciens professionnels présents ce soir, se retrouvent plusieurs fois par an depuis 4 ans pour jouer des œuvres majeures du répertoire classique. Les gestes, les positions, semblent immuables, respectés avec la mesure d’un métronome.

Pas de jeu de chaises musicales, chacun connaît son rôle. L’essaim est presque au complet, on s’inquiète d’un musicien manquant à l’appel. Un esprit de famille guidé par Philippe Hui, le chef d’orchestre qui fait voler les classiques.

L’ambiance est un peu particulière ce soir… L’une des musiciennes ne sera pas présente, elle vient de perdre un proche. Alors, on lui rend hommage et on se fait une promesse à voix haute : « on va jouer encore mieux pour elle ! », avec plus de ferveur pour manifester son soutien.
La soliste entre en scène, encore dans sa tenue de tous les jours, en contraste avec la solennité tragique des paroles chantées. Philippe Hui, ajuste, fait recommencer quelques musiciens, tente de trouver la bonne mesure : « nous ne sommes pas ensemble sur le ralenti ! ». Pour l’oreille du néophyte, le son semble pourtant parfait. L’art de la nuance conduit bien souvent à l’excellence. Les répétitions s’achèvent, à peine le temps pour les musiciens de dîner ou de se détendre et il faut revêtir son costume d’apparat.

Ce soir-là, le public est venu en nombre pour découvrir ou redécouvrir de grands classiques. En préambule, 7 scènes majeures tirées d’opéras de renommée mondiale sont interprétées, mettant en avant le destin de 7 femmes (Ondine, Gilda, La comtesse et Suzanne, La Reine de la Nuit, Butterfly, Ophélie, Lauretta et Nanetta). Un destin fatal, tragique, dont s’amuse le chef d’orchestre. Contrairement aux usages, Philippe Hui intervient pour éclairer les oeuvres interprétées en expliquant au public la trame de chaque histoire jouée : « Comme nous sommes à l’opéra, ça se termine forcément mal ! ». Le ton est enlevé, détendu, le public sourit. Rendre les oeuvres classiques accessibles, c’est la philosophie de La Philharmonie des Deux Mondes.

Les opéras se succèdent, nous sommes transportés par la puissance des 40 instruments et happés par les voix intenses des deux solistes, Mayuko Yasuda et Valérie Condoluci. Cette générosité, cette maîtrise et ces talents exprimés font naître un concert d’émotions. L’entracte arrive à point nommé, il faut « digérer » les sentiments exacerbés, propres à l’opéra, et transfigurés par la virtuosité des instruments.

Le moment tant attendu arrive. La 5ème symphonie de Beethoven va être interprétée. Classique parmi les classiques, son « Pom, pom, pom pom » est aussi légendaire que son créateur. Trois notes brèves suivies d’une longue ont suffi à marquer bien des esprits. Philippe Hui, nous explique une fois de plus les subtilités de ce chef d’œuvre.

La musique monte « pronto », puissante, affirmée avant de s’adoucir pour reprendre davantage de vitalité encore. Les mesures s’enchaînent de manière frénétique, les pages des partitions se tournent en des mouvements rapides et coordonnés. Une forêt d’archets darde subitement le ciel. Nous ne sommes plus à l’opéra mais au théâtre où se joue en parfaite harmonie une gamme d’émotions profondes et soudain légères. Les 40 musiciens et le chef d’orchestre ne font plus qu’un et le spectacle n’est pas seulement pour l’oreille. Assister à cette symbiose qui prend corps sur scène, c’est comprendre la passion qui anime chacun d’entre eux.

Des femmes et des hommes qui ont compris que la musique pouvait adoucir les mœurs et qu’elle était l’affaire de tous. L’énergie transmise est communicative, on vibre tous à l’unisson de ce moment de partageQuand la musique prend fin, on ne reste pas sur la nôtre.

Rideau.

 

Prochain concert : le 7 juillet à Redon pour Les musicales de Redon